20/12/18 - Acquisition - Los Angeles, The J. Paul Getty Museum - Le Getty Museum a acquis, auprès de la galerie new-yorkaise Jack Kilgore & Co, l’Intérieur au chevalet, Bredgade 25 de Vilhelm Hammershøi qui avait été adjugé 5,04 millions de dollars lors de la vente Christie’s du 31 octobre dernier à New-York. Cette huile sur toile achetée l’année même de sa réalisation, en 1912, par un collectionneur nommé Adam Black, était jusqu’alors restée en mains privées chez ses descendants. Elle est depuis le 18 décembre exposée dans le pavillon Ouest du musée.
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- Vilhelm Hammershøi (1864-1916)
Intérieur au chevalet, Bredgade 25, 1912
Huile sur toile - 78,7 x 70,5 cm
Los Angeles, The J. Paul Getty Museum
Photo : The J. Paul Getty Museum - Voir l´image dans sa page
Mise en scène dépouillée d’un intérieur pour le moins ascétique, l’œuvre acquise par le Getty est caractéristique de l’art d’Hammershøi. A partir de la fin des années 1890, ses habitations successives deviennent un sujet privilégié développé en maintes variations au franc succès. La formule se répète, peu de meubles, peu d’objets, une pièce nue presque plane dans un camaïeu de gris. C’est son dernier appartement de la rue de Bredgade que résument ici le chevalet, la gravure encadrée et la table de l’arrière-plan. Si ses habitations lui servent tant de résidence que d’atelier, le motif du chevalet demeure très marginal dans son œuvre. Il est tentant d’y déceler une mise en abyme de l’art de peindre - que le tableau dans le tableau appuie - pourtant l’œuvre complet d’Hammershøi semble défendre tout autre chose : l’abolition de la narration. Le chevalet est moins un autoportrait symbolique qu’un élément de la composition comme un autre, dominé par une construction géométrique d’une grande rigueur et une froide lumière naturelle qui sont, elles, le sujet principal. Le thème est accessoire, la composition essentielle, faite de jeux de lignes et de formes, les rectangles lumineux projetés au sol et aux murs répondant à ceux de la gravure, de la toile du chevalet et des moulures de la porte.
Le Statens Museum for Kunst de Copenhague conserve une version similaire, légèrement antérieure, intitulée Intérieur au chevalet de l’artiste. Les dimensions sont presque identiques mais le cadrage est légèrement plus resserré excluant les moulures du plafond et la fenêtre sur la gauche à peine visible. Une chaise a été ajoutée entre le mur et le chevalet ainsi qu’un compotier sur la table du fond. La notice du catalogue de vente mentionne une troisième version analogue, non datée, passée en vente chez Sothebys à Londres en 1975 [1]. Elle reprend le même chevalet tripode, la même chaise mais ajoute un couvercle au compotier. Enfin, sans le chevalet, nous pouvons mentionner un autre tableau qui adopte un point de vue analogue mais une disposition bien différente du mobilier. L’Intérieur avec un pot de fleurs, Bredgade 25 du Malmö Konstmuseum avance la table de l’arrière-plan au premier tandis qu’un buffet prend la place du chevalet. Les éléments décoratifs se multiplient, au compotier et à la gravure s’ajoutent un pot d’orchidée et une petite lampe de table.
Si Hammershøi est largement reconnu de son vivant, sa peinture souffre rapidement de son austérité et sombre dans l’oubli avant d’être redécouverte à partir des années 1990. Plusieurs expositions lui ont rendu hommage depuis, en 1997 à Copenhague et Paris [2], en 2007 à Barcelone [3], en 2008 à Londres et Tokyo [4], en 2012 à Copenhague et Munich [5], en 2016 à Seattle [6], et bientôt au musée Jacquemart-André qui accueillera une rétrospective au printemps prochain.